Predrag
Matvejevic représente la synthèse de l’Europe qui se reconnaît dans la
Méditerranée et son histoire. Dans sa vie, sa famille, son œuvre littéraire et
politique aux temps du rideau de fer, on retrouve toutes les ethnies, les
religions, les nationalités et les cultures, qui hier comme aujourd’hui,
quelqu’un voudrait transformer en raisons de conflit. Toute l’œuvre de
Matvejevic, en particulier son Bréviaire
Méditerranéen, fait ressortir ces différences en démontrant – comme
personne ne l’a jamais fait jusqu’à présent, sauf Braudel – qu’elles nous appartiennent,
qu’elles sont en réalité une occasion d’échange, d’enrichissement, et de vie en
commun.
Une
caractéristique de Matvejevic est sa conception poétique qui se base sur la
capacité de « sentir » et
en même temps de comprendre les lieux et les populations de son Europe. Il a élaboré une théorie
personnelle, la théorie de la « géopoétique » : ce sont les
lieux mêmes qui, ayant absorbé les sentiments et l’histoire de si nombreux
peuples à travers les siècles, émanent un sens poétique. Ce ne sont pas les
poètes à avoir créé la poésie des lieux ; ayant une sensibilité plus
grande, ils se sont limités à la percevoir et à la traduire en vers en la
rendant compréhensible aux autres.
L’immense
modestie de Predgrag finit par cacher sa valeur. Il est vrai que la modestie
est une vertu; mais quand elle est excessive, elle devient négative parce
qu’elle endommage un bien.
Les évènements de
ces jours rendent tragiquement actuel l’avertissement de Predrag
Matvejevic : « les
contradictions qui ont marqué les différentes cultures et civilisations de la
Méditerranée aussi bien dans le passé que dans le présent sont immenses »
et il ajoute « nous trahissons
la Méditerranée par une approche qui se base sur un point de vue exclusivement
euro-centrique ». Donc, dans ce contexte, la relecture du Bréviaire
Méditerranéen – publié en 1987 en serbo-croate et traduit ensuite en français,
italien et plusieurs langues – devient non seulement actuelle mais obligatoire
pour ceux qui ont à cœur une vie pacifique et fructueuse au bord de la
Méditerranée. Dans les années ’80, les yeux des européens étaient tous tournés
vers l’Est. Le Sud, qui pour l’Europe correspond à la Méditerranée – la mer du
voisinage – était oublié. Un voisinage, qui pour ne pas dégénérer en conflits,
doit savoir prêter attention et accepter les diversités culturelles, politiques
et religieuses des voisins. L’acceptation des diversités est le premier
enseignement de « Méditerranée. Un
nouveau bréviaire ». Mais dix ans après, au Collège de France, malgré
la chute du Mur, les tragédies Balkaniques
et l’exode des Albanais,
Matvejevic répétait encore inécouté: « L’image que nous offre la Méditerranée n’est pas du tout
rassurante » et invitait à connaître et mettre en valeur « modes de vie communs ou approchables malgré
les scissions et les conflits ».
Un seul livre
peut-il être suffisant pour poser la candidature de l’auteur au Prix Nobel ?
Nous pensons que oui.
Mais si une seule
œuvre n’est pas suffisante, alors nous ajoutons la valeur littéraire,
culturelle, anthropologique et historiques de tous ses livres, dont nous
mentionnons entre autres : «Epistolaire
de l’autre Europe», «Le Monde
Ex : confessions», «Entre asile
et exile». Ces titres sont déjà suffisants pour montrer la tension morale
de Matvejevic destinée à la compréhension des diversités culturelles. Pour
conclure on ne peut pas négliger «Notre
Pain», véritable manifeste de l’aliment le plus nécessaire et sacré de
l’homme - le pain - commun à toutes les peuples méditerranéens.
Pour ces raisons
nous posons la candidature au prix Nobel pour la Littérature de Predrag
Matvejevic, né à Mostar et grandi au bord de la Méditerranée, qu’il a su
décrire si bien en observant avec grande sensibilité les civilisations établies
sur les trois continents qui l’entourent.
J’approuve et je
partage le contenu de la lettre posant la candidature de Predrag Matvejevic au
Prix Nobel pour la littérature
Signature
Qualification
professionnelle